Idées

Les idées politiques de Georges Frêche doivent être "décodées" au-delà des expressions souvent volontairement provocantes qu'il leur a données.

Ce n'était pourtant pas un plaisir de déranger, mais la marque d'une rupture avec la "langue de bois" si communément admise dans le monde politique. Quelque soit le prix qu'il en a payé, Georges Frêche n'a cessé de dire que "le roi était nu", par des petites phrases ou de longs discours qui étonnaient ou agaçaient mais qui, chaque fois, attaquaient des idées admises.

Sa formation intellectuelle était très classique ce qui lui permettait de faire état d'une culture qui s'est raréfiée dans le monde politique : les citations d'œuvres ou d'auteurs de l'Antiquité comme des temps modernes n'ont cessé d'émailler ses discours, qui souvent subjuguaient un public qui, tout d'un coup, voyait défiler les siècles et les civilisations de manière inattendue. Mais, il avait aussi un "bon sens" populaire et une capacité à revenir à des choses simples qui était une force indéniable dans son contact avec les auditeurs. Peut-être que le maître mot de ses idées aurait pu se résumer dans "le mouvement". Il avait mainte fois, rappelé que toute l'histoire de France avait été le lieu du conflit entre les forces de l'Ordre, donc du conservatisme, et celles du Mouvement qu'il voulait incarner. Ce langage qui datait du début du XIX° siècle lui convenait parfaitement : qu'il s'agisse de la Ville ou de la Région, c'est au nom de projets, de l'anticipation, de la prévision à long terme qu'il secouait les habitudes et les pesanteurs de la société et de l'époque. A ce moment là, il devenait un "entrepreneur" au sens où les spécialistes de Science Politique qualifient ces nouveaux Maires (et hommes politiques) à partir des années 70-80. Ce qualificatif d'"entrepreneur" n'est pas déplacé quand on rappelle que Georges Frêche avait été diplômé de l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales (HEC), la grande école dans le domaine de l'économie, qui lui avait donné indéniablement une réelle culture dans ce domaine, de sorte que l'expression n'est pas métaphorique !

Du coup, Georges Frêche ne peut éviter, en étant constamment à contre courant, de privilégier les innovations, les desseins de grande envergure comme les "anticipations" selon son mot, qui permettaient de déjouer les blocages et effondrements que la fin du siècle a connu en matière d'industrie, de commerce et de services. D'où ce perpétuel mouvement qui transformait la ville et la région en champ d’expérimentation et d’innovation politique.

 

Son internationalisme, né sur les bancs de l'école, lui permettait d'aborder tous les sujets avec la largeur de vue d'une vision planétaire qui était une autre façon de parler de la mondialisation.

 

Il y avait beaucoup d'optimisme dans cette vision d'ensemble, qui se traduisait par des contacts incessants afin de faire connaître la ville et la région, d'augmenter les chances de pouvoir parler avec des autorités et des collectivités pourtant bien plus fortes et riches, de faire le pari que l'intelligence aurait raison des faiblesses. Mais, au fond, en tant qu'historien et disciple de Machiavel, c'était un pessimiste sur l'avenir des nations jusque là gouverneur du monde. Il aimait à rappeler, dans une vision hégélienne de la succession des civilisations, comment le "flambeau de l'Esprit" était en train de passer de l'Occident vers les nouveaux pays dits émergents et qu'il fallait réunir toutes les forces intellectuelles et pratiques pour retarder l'échéance ou, pour rendre supportables les nouvelles dominations : d'où les créations d'emplois non délocalisables par exemple.

Au total, une pensée politique marquée par la rencontre avec la réalité et qui tentait, comme l'exprimait Jaurès, de tenir à la fois le souci de "l'Idéal" et la pratique du "Réel". Comme Machiavel, il sait qu'il faut tuer quelquefois en politique et être craint, mais il conserve pourtant une âme de "tendre" selon sa propre expression, qui lui rend sensible le contact avec les gens ordinaires, qui, comme il aimait à le rappeler, sont les seuls détenteurs du pouvoir avec le droit de vote.

 
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